Histoire Des Libertines (70) : Femmes Libres D’Hollywood (6) : Joan Crawford, Monstre Sacré

Joan Crawford (1904-1977), de son vrai nom Lucille Fay LeSueur, a connu une brillante carrière à Hollywood pendant près de 40 ans. Sa carrière couvre les différentes époques des grands studios américains, du cinéma muet jusqu'aux années 1960.

Elle joua les filles délurées (les « flappers ») des années folles, les jeunes femmes arrivistes dans les années 1930, les victimes dans des mélodrames des années 1940 et 1950. Elle obtient un Oscar en 1945 pour « Le Roman » de Mildred Pierce.

UNE JEUNESSE DIFFICILE

Comme d’autres stars d’Hollywood, la jeunesse de Jan Crawford a été difficile.

D’origine modeste, ses parents se sont séparés avant sa naissance. Lucille se passionne pour la scène et le spectacle dès son plus jeune âge. Son beau-père, qui quitte également sa mère, est propriétaire d’un théâtre en Oklahoma. Elle adopte un nom de scène : Billie Cassin, nom de famille de son beau-père.

Âgée d’à peine douze ans, elle effectue divers travaux ménagers, elle travaille dans une blanchisserie puis comme vendeuse et comme serveuse de restaurant. Battue par ses proches et humiliée dans sa vie quotidienne, la jeune femme ravale sa fierté et n’a qu’une idée en tête : sortir de la misère. Elle cultive sa passion, la danse, et continue à prendre des cours et passer des castings.

Elle finit par devenir danseuse de revue dans une troupe de théâtre et reprend son nom de Lucille LeSueur. Elle se produit successivement dans un hôtel de Kansas City en 1921, dans la revue d’Ernie Young à Chicago en 1923, à Détroit puis à Broadway en 1924, où elle devient spécialiste des danses à la mode.

C’est en gagnant un concours de danse qu’elle se fait remarquer par un responsable de la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM) qui lui propose de tenter sa chance au cinéma.

STAR, GLAMOUR ET SEXY

Elle double d’abord Norma Shearer (1902-1983), qui deviendra sa rivale attitrée.

Lucille multiplie les figurations.

Elle tourne dans plus de vingt films muets en quatre ans. Ambitieuse et impatiente de réussir, elle veut progresser. Elle assiste à d’autres tournages, elle fréquente leurs réalisateurs et les stars de l’époque, mais ça n’avance pas assez vite à son goût. « Comment décrocher un bon rôle quand Norma Shearer couche avec le patron ? » dira Joan Crawford. Norma Shearer était en effet mariée à Irving Thalberg, le grand producteur de la MGM.

Elle trouve enfin le succès et la consécration en danseuse de night-club dans « Les Nouvelles Vierges » d’Harry Beaumont. Film symbolique sur l’ère du jazz qui bat alors son plein, elle y incarne une jeune fille « moderne », cheveux courts, buvant sec et changeant de partenaires masculins avec désinvolture. Elle y gagne ses galons de star.
Dès lors Louis B. Mayer, le directeur de la MGM, la bichonne et lui achète une maison et une voiture de luxe. La transformation continue, on la coule dans un moule et on lui crée une image de toutes pièces. Les esthéticiennes des studios se mettent au travail. Elle copie l’allure de Mae West (voir « Histoire des libertines (63) : Femmes libres d’Hollywood : 1) Mae West, la sex-symbol » texte paru le 20 août 2020) et se fait la bouche de la danseuse et actrice Mae Murray (1885-1965). Elle accentue le relief de ses pommettes, épile et arque ses sourcils. Elle subit des interventions chirurgicales à la mâchoire pour redresser ses dents. L'émail si blanc de ses dents est le résultat de ces longues et douloureuses opérations. Elle se soumet à des régimes stricts et à un entraînement physique sévère. » Elle est confiée aux bons soins du brillant costumier Adrian, qui se charge, en 1929, de créer le style « Crawford » : glamour et sexy.

Elle « trouve » son personnage : lèvres charnues soulignées d’un rouge à lèvres agressif, œil et cils maquillés de façon à approfondir le regard, sourcils épais. Elle sera transformée en une des plus grandes légendes de l’écran noir et blanc par la grâce de la machine à fabriquer les stars qu’est la MGM.
En 1929, elle passe avec succès l’examen du cinéma parlant. Elle est alors l’égale des plus grandes et en particulier Marlène Dietrich et Greta Garbo.

A la fin des années 1930 cependant, le succès n'est plus au rendez-vous. Trop cantonnée dans des rôles de jeune fille pauvre et ambitieuse, dans les mélodrames typiques de la « Grande dépression », l’actrice a du mal à se renouveler. En 1938 sort un article intitulé « Poison du box-office » selon lequel les gouffres financiers sont crées par Greta Garbo, Joan Crawford, Marlene Dietrich et bien d'autres. Crawford ne prend pas cette diatribe à la légère. En un an, elle passe du statut de reine du cinéma hollywoodien à celui de « Poison du box-office » !

Elle relancera sa carrière à la Warner Bros, à partir de 1943 et connaitra la consécration d’un Oscar en 1945.

Elle revient triomphale à la MGM en 1953, après dix années d’absence, pour tourner un film musical « La Madone gitane ». Mais surtout, elle tourne « Johnny Guitare » en 1954, western baroque et flamboyant, un film de Nicholas Ray qui lui offre un de ses plus beaux rôles, celui de la farouche Vienna. Elle continue de tourner dans des mélodrames, ces « films de femmes »

Joan Crawford tourne son chant du cygne en 1962 avec Robert Aldrich dans « Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? » face à Bette Davis. Confrontées pour la première fois, la rencontre des deux monstres sacrés, qui se détestent, est terrible et vire à un véritable affrontement.

UNE VIE PRIVEE AGITEE, UNE BISEXUALITE CACHEE

Dans les années 20, avant d'être une immense star, elle dansait dénudée dans des vidéos destinées aux peep-shows.

Plus tard, la superbe Joan Crawford a été l'une des plus grandes mangeuses d'hommes d'Hollywood, attirant dans ses draps Douglas Fairbanks Junior, qui sera son mari et d’autres qui furent ses amants : Outre Clark Gable et Spencer Tracy, dont nous reparlerons, on peut citer les acteurs James Stewart (1908-1997), John Garfield (1913-1952), Glenn Ford (1916-2006), le chanteur Frank Sinatra et le réalisateur Nicholas Ray (1911-1979).



Mais elle aimait aussi beaucoup les femmes, ce qu'elle dut cacher pour préserver sa popularité à une époque où la Cité du cinéma n'était pas des plus tolérantes avec ses étoiles. Sa rivale, Bette Davis, a déclaré : « Elle a couché avec toutes les stars de la MGM, des deux sexes. »

Après un an de mariage, elle divorce de son premier mari, James Welton en 1924.

Elle sera ensuite, à partir de 1929, l'épouse de Douglas Fairbanks Jr. relation qui fait les choux gras de la presse du cœur. Grâce à lui, elle pénètre dans les milieux les plus fermés de la haute société hollywoodienne. Bien que le père et la belle-mère de son mari, Douglas Fairbanks et Mary Pickford, n’approuvent pas leur mariage, on la voit souvent à Pickfair, le domaine des Fairbanks, haut lieu du « beau monde » cinématographique.

Le mariage avec Douglas Fairbanks s'étiole, Joan a de nombreuses liaisons mais lui aussi. Il est d'ailleurs poursuivi pour incitation à l'adultère. Il a besoin de sortir du monde du cinéma, ce monde qui convient à Joan mais pas à lui. Finalement, en mai 1933, Joan Crawford demande le divorce.

Elle épouse ensuite l'acteur Franchot Tone (1905-1968) en 1935, qu’elle impose dans plusieurs de ses films. Ce mariage est à l’origine de l’inimitié profonde entre Joan et l’actrice Bette Davis, qui convoitait aussi Franchot Tone. Ils divorceront en 1939.

Lors du tournage de « Fascination » (Possessed, 1931), Joan Crawford et Clark Gable (1901-1960) brûlent l’écran d’une passion qu’ils partageront dans la vie réelle. Adela Rogers St. Johns qualifiera leur relation de « la liaison qui faillit détruire Hollywood ». Louis B. Mayer menacera de mettre un terme à leurs contrats, ce qui les éloignera un temps.

Sortant tout juste d'une liaison secrète et intense avec Myrna Loy, Spencer Tracy (1900-1967) jettera aussi son dévolu sur Joan Crawford. Leur liaison torride laisse à l'actrice une mauvaise impression à cause des problèmes d'alcoolisme de Tracy, pendant le tournage de « Mannequin » en 1937.


Après un troisième mariage avec l’acteur Phillip Terry (1909-1993) de 1942 à 1946, qui se termina également par un divorce, elle épouse le PDG de Pepsi-Cola, Alfred Steele (1900-1959) en 1955. Il lui lègue la société, à sa mort en 1959, et elle s’installe au comité de direction de la multinationale pendant quinze ans.

Phillip Terry est un échec dans la vie de Joan. Leur relation, qui ne repose sur aucune base solide, s'étiole. Comme chez ses personnages, l'alcoolisme fait basculer son existence... Elle devient tyrannique avec ses s. Dans sa jeunesse, elle avait été victime de sévices et elle reproduit le même schéma maintenant qu'elle est mère.

Comme le révèle sa fille adoptive Christina, Joan Crawford était profondément bisexuelle, comme l’étaient également Marlène Dietrich et Greta Garbo. Joan fit le choix de cacher son orientation sexuelle afin de préserver son image.

Selon une biographie de Joan Crawford parue en 2002, écrite par Lawrence Quirk, Joan Crawford a couché avec plusieurs de ses collègues chorus girls quand elle travaillait à New York, et elle était amoureuse de l’actrice Anita Page (1910-2008).

Les femmes avec lesquelles il est sûr qu’elle a eu des relations sexuelles sont les actrices Dorothy Sebastian (1903-1957), Gwen Lee (1904-1961), May Clark (1885-1971) et Barbara Stanwyck (1907-1990). Helen Ferguson, l’agent de Barbara Stanwyck a déclaré, « il ne fait aucun doute qu’elles ont été intimes plus d’une fois. Si Stanwyck n'a jamais ouvertement parlé de son identité sexuelle, son biographe Axel Madsen la décrit « avec Greta Garbo, comme la plus célèbre lesbienne au placard de Hollywood ». Au-delà d'une aventure avec Tallulah Bankhead (1902-1968), sa compagne la plus importante a été l'actrice devenue son agent artistique, Helen Ferguson. Femme indépendante privilégiant les rôles de femmes fortes, Stanwyck a représenté un modèle pour des générations de lesbiennes des années 1960 aux années 1980

Joan Crawford a également été l’amante de Greta Garbo et de Marlene Dietrich, autres célèbres bisexuelles d’Hollywood.

Selon son impresario Jerry Asher, Joan s’intéressait à l’actrice Bette Davis (1908-1989) dans les années 1930, alors que celle-ci lorgnait sur Franchot Tone qui était le mari de Joan. Joan avait dit, « Franchot n’est pas intéressé par Bette, mais moi je me la ferais bien. Ce serait marrant non ? » (…) Bette Davis ne donna pas suite, les deux femmes devinrent des rivales.

Selon une autre biographie intitulée « Joan Crawford : the Last Word » parue en 1995 (écrite par Fred Guiles) une Joan Crawford ivre fit un jour une proposition à Marilyn Monroe alors que Monroe essayait des vêtements à la maison de Joan. Marilyn a raconté qu’elle et Joan s’étaient « rendues à la maison de Joan après une « cocktail party », complètement bourrées. Nous sommes allées dans sa chambre et on s’est fait un cunnilingus l’une à l’autre. Elle a eu un orgasme gigantesque qui l’a fait hurler comme une démente. La fois suivante où je l’ai vue, elle a voulu remettre ça. Je lui ai carrément dit que ça ne me plaisait pas beaucoup, de faire ça avec une femme. Depuis lors elle m’en veut. ». Marylin l’hypersexuelle préférait les hommes !

Christina Crawford, la fille de Joan, a quant à elle raconter dans son livre « Mommie Dearest » (1978) qu’une ex-employée de maison lui a confié que Joan lui faisait souvent des propositions, mais que cette nouvelle ne l’a pas surprise car elle connaissait les « tendances lesbiennes » de sa mère, sans en dire plus.

Joan Crawford appartenait bien au « Sewing Circle », le club de couture, terme codé pour désigner les actrices hollywoodiennes lesbiennes ou bisexuelles qui cachaient leur attirance pour leur propre sexe, afin de préserver leur popularité.

STAR DE PORNO ?

Joan avait démarré sa carrière dans les années 20 comme danseuse et la ravissante, alors inconnue, elle aurait arrondi ses fins de mois difficiles au début des années 20 dans plusieurs films pornographiques aux titres suggestifs : « La promotion canapé » ou encore « Lèvres de velours ».

Joan Crawford a toujours démenti la chose, y compris dans ses mémoires publiées en 1962. Mais plusieurs de ses biographes, ainsi que Douglas Fairbanks jr., son ex-mari, soutiennent que les pornos ont bien existé.

Au milieu des années 30, un maître chanteur menace de faire fuiter à la presse des images tirées des fameux films pornographiques, alors que Joan Crawford est en pleine gloire, Dans son autobiographie, Joan Crawford reconnait effectivement une tentative de chantage à l'époque, mais raconte qu'elle a pris fin dès que les pontes de la MGM et leurs avocats ont vu les fameuses images : la jeune femme sur les films porno ne ressemblait en rien à Joan Crawford.

Ces films ont existé et plusieurs biographes confirment que Joan Crawford est effectivement allée voir le producteur de la MGM, Eddie Mannix pour « régler » le problème. Mannix engage des privés et fait même jouer des relations dans la mafia, des connaissances de ses années de paris clandestins, pour retrouver le maître chanteur. Lequel est bientôt identifié. Grosse surprise : il s'agit d'Hal LeSueur, le frère apprenti acteur de Joan Crawford ! À l'époque, l'impécunieux Hal est embringué dans une très vilaine affaire de collision automobile sur autoroute.

À partir de là, les versions divergent selon les biographes : certains croient savoir qu'Eddie Mannix a envoyé ses gros bras pour récupérer les films et les détruire en échange de 25.000 dollars. Si Hal, acteur qui n'arrivait pas à percer, ne cédait pas, ça se terminerait mal pour lui. Autre version : les films ont été récupérés puis détruits par des costauds de Mannix contre versement à Hal d'une somme rondelette de 100.000 dollars de l'époque

Le scandale n'éclate jamais vraiment mais la vilaine rumeur collera durant toute sa carrière à Joan Crawford.

PARMI LES SOURCES :

Je renvoie à l’article Wikipédia consacré à Joan Crawford, dont je me suis inspirée.

Je signale également les liens suivants :

• http://cinemaclassic.free.fr/crawford/biographie_joan.htm

• https://roijoyeux.wordpress.com/2017/05/27/joyeuse-joan-crawford/

• https://moncinemaamoi.blog/2016/05/31/joan-crawford-la-femme-qui-voulut-etre-star/

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